Hollande président: ca change quoi pour la culture?
Bon, c'est pas tout ça: on a beau avoir tous et toutes fait la fête dimanche soir, ivre de bonheur de ce monde nouveau qui s'ouvre à nous (oui oui, rien que ca), l'euphorie est quelque peu retombée et maintenant il est temps de se poser les bonnes questions, et notamment dans le domaine qui intêresse particulièrement ce blog, les enjeux culturels de demain.
Déja, je sais ce que vous allez me répondre à mon préambule totalement subjectif : " on a tous fait la fête, c'est faux, car 48% des francais, soit une bonne dizaine de millions quand meme, n'ont rien fait du tout", mais là , je vous rétorquerais que je ne parlais que des gens ionnés par le monde culturel, et je suis désolé, mais à part Gérard Depardieu et Stephane Freiss (que je n'avais pas cité dans mon billet sur les soutiens à Nico car je l'ai appris après...bon dieu, Stéphane, moi qui t'avais adoré dans 5X2 :o), il est clairement établi qu'on ne peut pas tourner autour de la sphère culturel et ne pas se réjouir de l'arrivée du PS au pouvoir ( ca s'appelle de la provoc, je sais :o)
Car si on associe de coutume la puissance étatique dans le domaine culturel forcément à la gauche, dû certainement au rayonnement du Ministère de la Culture sous Mitterrand (avec notamment l'oeuvre inoubliables de Djaaak Lang, entre fête de la musique et prix unique du livre), force est de constater que lors de cette campagne, la culture a été une des grandes oubliées des programmes électoraux, y compris ceux de la gauche, à mon grand désarroi.
On l'a d'ailleurs pu le constater lors du débat télévisé de mercredi : avec les questions sanitaires, la thématique culturelle ne fut aucunement abordée au cours des 2h50 de ce pugilat débat. Peut-être que si il y avait eu trois débats comme le préconisait Sarkozy, aurait-on abordé l'angle culturel à l'issue du dernier d'entre eux, mais je n'en suis même pas certain.
En effet, excepté sur de rares problématiques (piratage sur Internet, préservation du droit d’auteur et inefficacité de l’Hadopi), j'ai trouvé, et je ne suis hélas pas le seul que les candidats n'ont été mobilisés sur aucun enjeu culturel digne de ce nom.
Et pourtant un sondage BVA effectué en mars dernier laissait entendre que la culture était une vraie préoccupation pour les électeurs. Et parmi les thèmes primordiaux, et pour 70% des sondés, "entretenir le patrimoine culturel français" devait être considéré comme une objectif "prioritaire" de cette politique culturelle. 62% pensaient que la politique culturelle doit d'abord "favoriser l'accès des citoyens à la culture. Pour 43% des personnes intérrogées, c'est l'éducation artistique à l'école est prioritaire .Seulement 39% des personnes interrogées estimaient prioritaire "la défense de la diversité culturelle", enjeu pour moi pourtant fondamental.
Alors une fois qu'on a déblayé le terrain, quels sont les grands chantiers dans ce domaine qu'a prévu notre nouveau président? Visiblement, deux enjeux priment sur tout le reste : l' éducation artistique, qui sera, à l’en croire, le « grand projet » culturel de son quinquennat, ainsi que la priorité qui serait faite à la lutte contre l’inégalité d’accès à la culture.
Pour François Hollande, l'éducation artistique constitue un « facteur de vitalité de notre pays » et pose la question que je me suis déjà posé plusieurs fois: « Comment faire pour en terminer avec ce paradoxe qui consiste à être un grand pays de culture et à ne pas parvenir à en faire un atout économique majeur ? ». Il est certain qu'associer culture et économie est tellement contre nature que tous les gouvernements successifs s'y sont cassés les dents.
Avoir les questions pertinentes est déjà une bonne chose, maintenant il faut un peu savoir quels moyens, notamment financiers, y apporter, afin d' y répondre le plus efficacement possible. Car si Hollande refuse de considérer la culture comme une simple charge budgétaire il n'a jamais souhaité donner de données chiffrées, avançant que ses réformes, dont un plan pour l’éducation artistique, ne seraient pas financèes que par le Ministére de la Culture, mais aussi par le ministère de l’Education nationale.
Car il faut bien reconnaitre que le ministère de la Culture - au sein duquel j'ai eu la chance de travailler déjà à l'époque de la gauche, il y a maintenant plus de dix ans( bouh que c'est loin tout ça)- a inconstestablement perdu depuis les années Lang, autorité, aura et rayonnement.
En effet, ce sont d’autres acteurs qui aujourd’hui permettent l’accès du plus grand nombre à la culture : grands établissements publics, collectivités territoriales, industries culturelles du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique. Par exemple, pour le musée du Louvre, le succès n'est pas l'apanage du Ministère qui se contente d’en élaborer le cadre.
Et si le rôle premier du ministère est de définir le cadre réglementaire, il doit composer avec d’autres régulateurs : Conseil supérieur de l’audiovisuel, Arcep (pour les télécoms et les réseaux), instances européennes. Sans parler de l’affaiblissement en moyens humains et de la faible pérennité des ministres depuis 10 ans, dont le mandat a duré 1.000 jour en moyenne, et qui ont souvent lancé des lois, promulguées après leur départ.
Jean Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture, qui aura laissé une trace plus mémorable que Frédéric Mitterand, dont le bilan fut assez pathétique, a déploré publiquement à quel point il s’etait aussi retrouvé à plusieurs reprises en première ligne pour défendre des sujets sur lequel il n’a pas les outils nécessaires : la lutte contre la contrefaçon, ou le dossier des intermittents.
D'ailleurs, si on n'en pas parlé du tout dans la campagne, il faut savoir que ce dossier n’est toujours pas réglé, la réforme du règlement Assedic devant être remise en chantier, la précédente ayant creusé le déficit du régime.
Cela fait partie, avec la défense de l’exception culturelle en Europe, des gros dossiers qui pourraient renforcer le prochain ministre de la Culture, s’il s’en saisit. Un ministère que certains rêvent d’élargir à l’Education Nationale, rappelant que Jack Lang avait cumulé les deux. Pour l'instant, si on ne connait pas encore bien évidemment le nom du bénéficiaire du portefeuille ministériel (plus que quelques jours de suspens), le bruit court avec insistance qu'Aurélie Filipetti, en charge des questions culturelles auprès d'Hollande dans sa campagne récupère le maroquin, ce qui serait une bonne chose en mon sens, tant cette fille, dont j'avais lu les romans, a une sensibilité et un hauteur de vue assez irable.
Car comme l'a dit Olivier Poivre d’Arvor, patron de Culture, "la culture ne fait peut être pas perdre une élection, mais un quinquennat oui. On touche à l’image qu’un pays donne de lui, à l’étranger, et aux 80 millions de personnes qui visitent la chaque année ».
Dans cette optique, la question culturelle, évidemment pas prioritaire face aux questions économiques, sociales et européennes, ne saurait être négligée autant qu'elle l'a été ces dernières années.