Baz'art  : Des films, des livres...
23 octobre 2017

Critique Théâtre : A vif, une joute verbale d'une grande densité!

 

 

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En s’installant dans ce qu’on croit être une salle de spectacle, c’est en fait en salle d’audience qu’on prend place en venant voir « A vif », mise en scène par Jean Pierre Baro au théâtre du Rond Point.

Dès les premières minutes, le spectateur est prévenu : il sera pris à témoin, à parti et mentalement mis à l’épreuve, puisqu’il compose l’assemblée de la petite conférence du barreau de Paris qui oppose les prétendants maîtres Souleyman Traoré (interprété par Kery James) et Yann Jaraudière (Yannick Landrein). Dès lors, les planches du théâtre et celles du tribunal se fondent volontairement et à merveille.

L’épreuve consiste à défendre, par l’affirmative pour et par la négative pour l’autre, la responsabilité de l’Etat dans la situation actuelle des banlieues. La question est d’autant moins anodine qu’elle oppose un étudiant noir vivant lui-même à Orly, et un étudiant blanc issu des beaux quartiers de Paris.

L’écueil de la récupération personnelle de la cause est inévitable : Souleyman défendant la responsabilité individuelle et collective des habitants de banlieue ne manque pas de s’ériger en modèle du noir de banlieue qui s’en sors à force de volonté, tout en accusant son adversaire de paternalisme infantilisant une population rendue dépendante et résignée.

 

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On peut regretter que la bataille s’engage sans que les jouteurs n’aient affuté leurs lames au même fil. En évinçant l’étape de la définition des termes du sujet donné, on frôle quelques dérives, emprunte quelques raccourcis faciles et essuie des malentendus. « L’Etat » par exemple, cache derrière sa majuscule un fourre-tout indéfini qui permet de er insensiblement d’une entité diffuse émanant de la voix populaire, à un groupement oligarchique, complotiste et négligent.

A l’inverse, d’un accord tacite, le terme de « banlieue » est figé dans sa localisation est-parisienne (oubliant toutes les autres de Paris et de ) et dans sa version médiatique catastrophique.

Ainsi, la part est belle pour les deux candidats qui s’arrangent à leur manière de ce flou linguistique : Souleyman restreint à loisir la base de son argumentaire à sa propre expérience de banlieusard, tandis que Yann cache sa méconnaissance du terrain derrière des généralités allusives. L’un et l’autre, et avec le public-audience, sont renvoyés face à leurs préjugés. Mais la joute verbale mêle le fond et la forme, arguments et formules dans un véritable exercice de style et d’esprit où chacun fantasme l’autre et son monde.

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Le texte, écrit par Kery James garde d’abord l’empreinte forte de sa scansion de rappeur lorsqu’il sort de sa propre bouche. L’effet est tout autre lorsque c’est au tour du comédien Yannick Landrein de s’en emparer. Il insuffle une autre musicalité, celle du théâtre : vibrant d’émotion, ou tranchant de certitude, il joue de variations au fil de ses doutes, de ses convictions. Entrainés dans ce flot de paroles et d’idées, ballotés dans ces allers-retours de la pensée, on voyage dans la langue, ne distinguant plus les punch-line des formules rhétoriques, les déclarations magistrales des tirades théâtrales, au point d’en arriver à rêver d’un Kery James à la barre d’assises rappées aux sermons rimés.

 Le scénographe (Mathieu Lorry-Dupuy) nous emmène lui aussi dans cet imaginaire urbain de la banlieue. En toile de fond de la  table à laquelle s’affronte les deux futurs avocats sont projetées les silhouettes graphiques des barres d’immeubles de quartiers populaires, images fixes ou vivantes, état de fait immuables et situation dégénérescente.
Derrière les pixels qui courent sur la toile de projection on devine les tours qui s’effondrent, on reconnait les voitures qui s’embrasent, les foules qui s’élèvent. Mais le coup de force graphique jaillit sur l’une des dernières images : plan serré sur le buste au drapeau de la célèbre « Liberté guidant le peuple ». 

 Les variations de tons, de nuances et de contrastes assombrissent ses traits, et vont jusqu’à inverser sa posture : elle ne guide plus le peule par un regard encourageant jeté en arrière, mais semble au contraire lui faire face, le regarde de haut, imible : le tableau devient « La Liberté (la  ? l’Etat ?) regardant ses banlieues brûler ».

 http://www.infoconcert.com/artiste/kery-james---a-vif-150121/concerts.html

 

« A VIF »

texte : Kery James,

mise en scène : Jean-Pierre Baro,

avec : Kery JamesYannik Landrein

 Pièce vue en  septembre 2017 au Théâtre du Rond Point, Paris et en tournée en en 2017 ET 2018

NB   saluons pour commencer la semaine,  la toute première chronique d'une toute nouvelle rédactrice de baz'art, Nisra... on lui souhaite la bienvenue et de nombreux beaux billets sur le blog!!

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