Prendre le large (critique) : une oeuvre touchante portée par une lumineuse Sandrine Bonnaire !
Gaël Morel, qui s’est d’abord fait reperé au cinéma, grâce à son rôle dans Les roseaux sauvages d’André Téchiné en 1994, est surtout connu comme cinéaste pour avoir dirigé Catherine Deneuve dans Aprés lui en 2007.
Après Béatrice Dalle dans Notre paradis en 2011, il dirige une troisième fois une grande actrice française en la personne de Sandrine Bonnaire qui tient le rôle principal de "Prendre le large", qui sort en salles ce mercredi et qu'on a eu la chance de voir au Comoedia la semaine dernière lors d'une projection du film présenté par son cinéaste et son actrice principale.
Lumineuse et terriblement investie dans son rôle, Sandrine Bonnaire incarne Edith, une ouvrière de 45 ans confrontée au déménagement de son atelier textile au Maroc. Contre toute évidence, elle choisit de partir travailler là-bas malgré une perte substantielle de salaire.
Souhaitant rendre hommage au milieu ouvrier dont il est issu, ainsi que la région qui l'a vu naitre -la Calade- à savoir Villefranche et ses environs, Gaël Morel installe le décor de la première partie de son film dans l’un des secteurs les plus sinistrés de l’économie française, celui qui chaque année, laisse sur le carreau des salariés complètement déroutés par les propositions de reclassement indignes qui leur sont faites.
Prenant étrangement le même point de départ que la comédie un peu décevante Crash Test Aglaé sortie cet été sur nos écrans, le réalisateur aborde ce thème d'actualité de a délocalisation d'usines, dans une veine plus réaliste et finalement assez étonnante car il renverse l'habituel postulat de l'immigration économique puisque c'est la salariée issue de l'Occident qui vient travailler dans un pays plus "pauvre".
Cet angle original dénonçe sans manichéisme outrancier la problématique très actuelle des délocalisations pour produire à moindre coûts dans des conditions plus que discutables.
Avec un scénario subtil écrit par le réalisateur avec son comparse l'écrivain Rachid O qui connait bien le Maroc, Morel filme surtout la renaissance d'une femme.
Edith est en effet assez terne au début de l'histoire, un peu spectatrice de sa propre vie, et va peu à peu tenter de s'éveiller à nouveau en changeant de pays et en rencontrant d'autres gens, pourtant bien différents d'elle au départ.
Ce récit d’un nouveau départ aux allures de renaissance, Morel la filme en utilisant deux formats différents : le scope pour toute la partie française, afin de montrer l'enfermement dans lequel elle est plongée, puis opte pour des plans plus verticaux, lorsqu'elle arrive à Tanger, pour montrer cette ville en pleine expansion economique, à la fois dangereuse et ville de tous les possibles, dans laquelle les jolis rencontres sont possibles notamment celles avec Mina et Ali, une divorcée et son fils (Mouna Fettou et Kamal El Amri).
Gaël Morel transcende le naturalisme de base pour une vision pleine de lyrisme appuyé par la belle musique de Camille Rocailleux.
Emouvant portrait d'une femme éteinte qui renait à la vie , "Prendre le large "se teinte d'une jolie réflexion sur la solitude d'une mère au moment où son enfant quitte le cocon et s’appuie sur la performance exceptionnelle d'une Sandrine Bonnaire sensible et juste qui insuffle à son personnage une réelle crédibilité, totalement à l'image d'un film qui alterne régulièrement entre mélancolie et espoir.
Plus solaire et apaisé que les précédents films du cinéaste (et notamment son dernier et très sombre Notre paradis).. Prendre le large de Gaël Morel est une oeuvre touchante et juste à voir dès mercredi en salles.