Quand Lyon rend hommage à Martin Luther King, ce grand orateur au rêve brisé
« Je fais un rêve moi aussi, celui d’un grand discours qui redonne force, détermination et vision au combattants des printemps arabes. Celui d'un grand discours qui redonne espoir, envie et confiance aux Européens, aux Français en particulier. Notre prévention cartésienne contre la rhétorique, notre laïcité, nos références culturelles et le changement d’époque appelleraient d’autres mots que celles de Martin Luther King. Mais si nous ne voulons nous payer de mots, nous avons tous besoin de discours mobilisateurs. À toutes les époques et en tous lieux. »
Lors des dernières vacances scolaires, je suis allé faire tour à la Part Dieu, plus exactement dans le bâtiment central de la bibliothèque municipale de Lyon pour jeter un œil à l’exposition consacrée à Martin Luther King, intitulée "Martin Luther King, le rêve brisé" qu’on peut découvrir jusqu'au 28 avril prochain .
On parle forcément beaucoup de Luther King en cette année 2018 puisqu’il a été assassiné il y a tout juste cinquante ans.
Aller voir cette exposition fût l'occasion idéale pour découvrir les liens inattendus entre le célèbre pasteur natif d'Atlanta et Lyon.
En effet, et je l'ignorais totalement, le militant des droits de l'homme avait prononcé un long discours en 1966 à la Bourse du Travail (d’où un buste du célèbre orateur posté juste devant le lieu Place Guichard), et Lyon et d'ailleurs la seule ville de province française que Luther King a visité lors de son périple européen.
Martin Luther King y prononça là bas un long discours devant près de 3500 personnes dont certaines de ses phrases sont restées dans toutes les mémoires de ceux et celles qui ont eu la chance d'y assister.
« Depuis l'abolition de l'esclavage, les noirs américains ont encore été exploités. Aujourd'hui, une possibilité de révolution non violente a fait son apparition. Notre lutte se poursuivra et nous triompherons un jour. »
Martin Luther King, extrait de son discours à Lyon le 29 mars 1966
Celui dont le "I have a dream" pourrait être classé au patrimoine mondial de l’humanité comme chef-d'œuvre de la rhétorique, est donc célébré comme il se doit par cette belle exposition.
Des débuts de l’esclavage au XVIIe siècle à l’élection en 2009 de Barack Obama, premier président noir des États-Unis, l’exposition survole quatre siècles d’histoire américaine.
Cinquante ans tout juste après sa mort, cette brillante exposition invite à mesurer la portée des idées et des propos de Martin Luther Kinget de le mettre en perspective au regard notamment des récentes déclarations de Donald Trump, et des violences raciales policières.
L’exposition procède également à une contextualisation des combats de Martin Luther King, avec des rappels historiques sur la période allant «de l’esclavage aux Blacks Panthers».
À cet égard, elle met en valeur quelques militant de la lutte pour les droits civiques, en tête desquels figure Rosa Parks (1913-2005), qui a refusé de céder sa place à un homme blanc dans un bus de Montgomery (Alabama), le 1er décembre 1955, ou bien encore James Baldwin ,remis sous les projecteurs l’an dernier, pour les trente ans de sa mort, par un formidable documentaire de Raoul Peck I Am Not Your Negro.
Martin Luther King, le rêve brisé ?, jusqu’au 28 avril à la Bibliothèque municipale de Lyon, 30 boulevard Vivier Merle-Lyon 3 / 04.78.62.18.00 / www.bm-lyon.fr
En complément de cette formidable exposition, un essai "Les mots de Martin Luther King" paru aux éditions de la presse du Chatelet rassemblent extraits de discours, de sermons et d’écrits du chantre de la non-violence, ce livre montre l’éloquence et la puissance des mots du héros de la lutte pour l’égalité interraciale.
120 extraits, discours, sermons et réparties du chantre de la non-violence, donnant à voir la verve d'un orateur plein d'humanité.
"I have a dream", chef d’œuvre de ces discours y est évidemment présent en bonne place.
Prononcé le 28 août 1963, à l’occasion du centenaire de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis, ce rêve partagé transforma la ségrégation raciale des États du Sud en honte nationale.
Car des discours, King en a fait des centaines. Pasteur, prêcheur, pétri de culture religieuse et classique, il se sait grand orateur. Mais les gens le connaissent surtout comme activiste. Et ce discours-là prononcé devant 250 000 personnes est le grand rendez-vous de Luther King avec l’Histoire.
"Tous les enfants de Dieu, Noirs, Blancs, Juifs, Protestants, Catholiques, seront capables de se tenir la main et chanter ensemble : Libre enfin ! Libre enfin ! Merci Dieu tout puissant, nous sommes libres enfin !"
Cet essai nous permet de comprendre à quel point Luther King maitrise les règles rhétoriques, dans son ensemble : structure cohérente, message fort, présence et équilibre entre le logos, l’ethos et le pathos. Et de l’espoir, un espoir qui aura été malheureusement brisé ce funeste jour du 4 avril 1968!