Wajib/ L'insulte : quand le cinéma sonde le vivre ensemble malgré tout !
Quand le cinéma évoque les relations particulièrement complexes du Proche-Orient, il est quasiment toujours question du conflit israélo-palestinien et nombreux sont les films tournés sur ce sujet, tant du côté israélien que du côté palestinien.
Deux films sortis en salles en début d'année et qui sortent en DVD le même jour le 3 juillet tentent d'apporter un regard plutôt inédit et spécifique, et y parviennent avec un talent indéniable.
Commençons par parler du film "1/Wajib - l'invitation au mariage" d'Annemarie Jacir, disponible DVD dès le mardi 3 juillet 2018 chez Pyramide Vidéo.
On suit un père et son fils, pendant une journée de circulation en voiture et de visites aux relations de la famille pour amener à la main une invitation de mariage (le wajib du titre ) dans Nazareth occupée et embouteillée. aussi bien au sens littéral que métaphorique du terme.
Tandis qu'ils enchaînent les visites chez les amis et les proches, les tensions entre le père et le fils remontent à la surface et mettent à l'épreuve leurs regards divergents sur la vie.
Wajib a l'air de rien sur le papier, mais à l'écran le film s'avère être une très belle et très fine analyse de la problématique palestinienne au quotidien, des rapports aux Israéliens et des oppositions père-fils dans une situation explosive tant pour l'un que pour l'autre. ce père et ce fils se couvent mutuellement en même temps qu’ils s’écorchent et s'accrochent pour le moindre détail .
Le dispositif est simple mais il ouvre sur une immense complexité humaine où se mêlent vie intime, vie sociale et vie politique.
On aime ces relations faits de non-dits impossibles à surmonter où l'amour trouve néanmoins difficilement mais surement sa place. Le film vaut surtout pour ses non dits, tout ce qui n'est pas à travers ces deux générations qui incarnent deux visions de la Palestine différente, entre modernisme et tradition,une génération qui a préféré rester quitte à se soumettre et à pactiser avec l'ennemi et l'autre qui a préféré fuir, mais qui vit avec beaucoup d'amertume et d'aigreur
Annemarie Jacir porte sur ses compatriotes un regard à la fois sans concession et en même temps plein de tendresse et d’humour sur ces deux personnes un peu fatigués par leur affrontement permanent.
" On appelle les Palestiniens qui vivent en Israël les "Palestiniens invisibles", des hommes et des femmes qui se battent pour leurs droits et pour des ressources limitées. Les gens de Nazareth possèdent une grande humanité, beaucoup d'humour et de désir de vie. Mais pour moi, Nazareth est une ville de survivants.
Et quasiment le troisième personnage de mon film." - Annemarie Jacir
Bonus : Scènes coupées (10 min) Entretien avec Annemarie Jacir (25 min)
Tout aussi magistral, 2/"L'Insulte" qui sort en DVD le même jour mais là chez Diaphana, film brillant, très complexe quant aux thèmes traités, d'une extraordinaire richesse.
Ziad Doueiri est ce cinéaste libanais qui s’était distingué, en 2012, avec L’Attentat, un film gonflé autour d’un chirurgien, arabe israélien, dont la femme se faisait exploser dans un attentat kamikaze.
Après avoir tourné une série française très bien reçue ( Baron Noir, avec Kad Merad à contre emploi, ) le voila avec aine avec un film encore plus fort sur la difficile cohabitation là plus entre des membres d'un même peuple, mais entre deux peuples dont un a été " contraint" de recevoir les membres de l'autre..il s'agit du Liban et du conflit entre les milices chrétiennes et les Palestiniens réfugiés en grand nombre.
A travers une simple phrase qui va amener une tension latente entre deux pôles opposés, lesquels se saisissent de l’occasion pour s’en délivrer., le cinéaste libanais livre une oeuvre ionnante qui n’a rien à envier au cinéma de genre américain, qui mélange film politique et film de procès deux genres dont le cinéma US est expert en la matière,
Doueri a la bonne idée d’équilibrer constamment les choses et de montrer que chacun des deux protagonistes a des raisons de penser qu’il a raison.
.Le talent du réalisateur s'exprime dans un attachement profond aux valeurs populaires et à la morale humaniste qui les anime...petit à petit, on va découvrir toute l'histoire de ce pays martyrisé; on va découvrir que les plaies ne sont pas refermées, on va découvrir toute la complexité du problème.
Le long-métrage nous donne des clés pour comprendre comment on peut cohabiter lorsque les religions (et les croyances) empêchent toute ouverture et sabotent l'idée de réconciliation, à ce titre," l'insulte " se révèle très convaincante notamment dans sa manière d'aborder frontalement des problématiques particulièrement complexes et délicates.
Ce ce qui est le plus formidable dans cette insulte c'est l'universalité du propos:, la cruauté humaine, l'horreur humaine, la guerre et son absurdité, le racisme, le nationalisme
À qui doute de la puissance des mots, de leur charge explosive (surtout dans le contexte d’une poudrière politique et religieuse telle que le Liban), on ne peut que recommander vivement cette fable moderne opposant ; deux victimes et deux coupables, simultanément.
L'INSULTE Bande Annonce