L'obscure clarté de l'air: David Vann nous plonge dans la mythologie grecque
« Médée n’a plus de mots, plus de pensées. Elle a dénoué
le monde, elle a tiré un fil vital, tout s’est détissé. Rien
d’autre à faire que retenir son souffle et attendre de voir si
un nouveau monde reprend forme. Sa tâche est de calculer
prudemment, d’utiliser les morceaux de son frère avec parcimonie.
Son père lève les voiles une fois encore, plus petit
à présent. Le masque doré, une torche plus pâle, sa lance et
son bouclier, disparus. Les rames en action, invisibles, des
éclats d’eau troublée et plus rien d’autre. Mais elle connaît
sa volonté. Ces Minyens ne sont pas à la hauteur. »
David Vann, l’auteur des inoubliables Sukkwan Island, Goat Mountain, Désolations… ou encore du récent Aquarium, se lance dans son dernier roman dans un projet un peu fou sur le papier, à savoir une réécriture du mythe de Médée , cette héroïne de la mythologie grecque, fille de roi, divinité aussi meurtrière que tragique.
Médée, figure à la fois meurtrière, humaine et inhumaine, terrible, impuissante. femme des mondes antérieurs, hante cette ’obscure clarté de l’air plein de rage, de bruit et de fureur.
On se laisse vite prendre dans cette plongée dans la folie intérieure de ce personnage hors norme qui refuse d'être soumise à quiconque et qui se doit donc inspirer la crainte voire la terreur.
Nul besoin de connaitre grand-chose en mythologie pour se plonger dans cette histoire qui a priori peut sembler assez éloignée des romans de Vann mais qui en fait épouse les thèmes qu’il a souvent exploré, à savoir les dysfonctionnements familiaux et les tragédies familiales, qu’elles soient contemporaines ou ici mythiques.
Un livre pas forcément facile d’accès mais qui trouve sa vraie place dans une bibliographie aussi intense que cohérente.
« Quand on détient le pouvoir, on devient véritablement un dieu. Comme Hatshepsout et tous les pharaons avant elle. Massacrer son frère, détruire son père. Ce sont les actes d’un dieu, des actes qui inspirent la peur et qui forgent le mythe. Les dieux accomplissent ce qui ne peut être accompli. Et une femme peut aisément devenir un dieu puisqu’elle n’a rien le droit de faire. Elle peut devenir une source de terreur. »
