J'avais posé cette question (forcément idiote lorsqu’on sait que la musique est pour l'immense cinéaste Tony Gatlif un besoin aussi primaire que boire ou dormir) à l’occasion de la présentation l’an é de son dernier film en date "Djam" dans lequel il mettait en valeur un genre musical assez peu connu en , le rébétiko.
Bande-annonce DJAM (sortie 9 août 2017)
Cette musique, qui puise ses racines chez les exilés grecs de Turquie, était à l’honneur vendredi soir lors d’une soirée des Nuits de Fourvière spécial Tony Gatlif, dont c’est déjà la troisième collaboration avec le Festival.
Tony Gatlif, qui est venu présenter la soirée et le concert (et qui était aux petits soins de ses musiciens qui semblaient parfois frémir par la brise particulièrement violente ce soir là), est un artiste et un être humain rare, de par le cinéma qu'il met en valeur et les engagements qu'il défend : de Latcho Drom à Geronimo, son avant dernier film, son cinéma s'est toujours placé du côté des minorités, des opprimés, du côté des faibles qui sont écrasés par la puissance des nantis.
Une soirée qui a commencé par une première partie musicale d’un concert de rebetiko, qui comme Dominique Delorme, le Directeur des nuits de Fourvière nous a expliqué en présentant la soirée avec Gatlif, reprenait la même formule qu’une soirée cannoise mémorable sur une plage de la croisette en 2017 lors de la présentation hors compétition du film Djam, et s’est terminé avec la projection en plein air dudit film.
Le concert était donné par le groupe Aman Doktor, (Docteur de l'Âme), constitué pour les besoins de la bande musicaile du film, accompagné de la chanteuse et actrice principale du film Daphné Patakia, et de deux orchestres de musiciens grecs de Salonique et d'Istanbul.
Ce beau mélange de musiciens d’Istanbul et de Thessalonique a mis à l’honneur ce blues grec poétique empreint de la culture turque, musique libre généreuse et imprévisible
Le rébetiko est ancien, mais il dit de manière évidente quelque chose de vraiment profond sur l’immigration d'aujourd’hui, tel que veut la raconter Gatlif.
Cette musique rebetiko, aussi généreuse qu'imprévisible, Tony Gatlif l'a découverte il y a plus de trente ans en tournant les Princes, et elle symbolise le déchirement que peut engendrer un exil : le film nous montre à quel point partir de son pays est une déchirure. : En quittant la Turquie pour la Grèce, les exilés ont formé une nouvelle forme de culture dont le rebetiko est la belle illustration, et qui porte en elle des mélanges de différentes cultures, un peu comme l'est le blues à sa manière.
Et autant que la musique rebetiko, la sublime trouvaille de Gatlif, c'est définitivement Daphné Patakia, qui, par sa présence lumineuse et magnétique, réussit pleinement à donner vie à un personnage bien dans la lignée des précédentes héroines des films de Tony Gatlif, mais en moins hystérique, et avec une révolte jamais violente et toujours bienveillante.
Avec ce vibrant "Djam", Galtif nous livre une vibrante histoire d'amitié entre deux jeunes femmes, une française et une grecque en Turquie.
Tony Gatlif -et la nuit qui lui était consacrée vendredi dernier sont ainsi parvenu à nous montrer à quel point le chant et la danse enracinent les peuples dans leur culture et les aident à être plus forts, à ne pas les abandonner à la fatalité.Si le concert a, reconnaissons le, mis un peu de temps à s’emballer, et à réchauffer les spectateurs de l’Odéon un peu transi par le froid- on était loin de la grande chaleur du concert de Juliette Armanet deux jours avant- il s’est achevé par des moments musicaux d'une grande beauté.
Des instants de grâce que la révélation du film Daphné Patakia (sans doute trop peu présenteen chanteuse à notre goût) n’a fait qu’attiser.
Et le plaisir du public de découvrir cette musique un peu oubliée, l'instant d'une soirée unique et chaleureuse, semblait réel et sincère.