Marche Blanche /Claire Castillon sonde les abysses d'une mère meurtrie
"Je me promène dans les Rousses avec Hortense dans la tête, Hortense, qui depuis sa disparition, se pose souvent sur les visages que je croise. Alors je leur souris doucement, à ces visages étoiles, à ces maitresses d'école, à ces vétérinaires. Il n'est pas rare qu'Hortense me rejoigne en ballade, que j'ouvre la portière arrière de la voiture avant la mienne pour asseoir son fantôme dans le siègne enfant trop petit pour elle."
Parce qu'elle a perdu il y a dix ans de cela sa fille Hortense, 4 ans à l'époque, une mère, la narratrice du roman de Caire Castillon, est persuadée de la voir partout et notamment dans les traits de l'adolescente de 14 ans qui vient d'emménager devant chez elle.
Obsédée par cette jeune fille, cette mère devient de plus en plus sujette à des crises de déraison incontrolable au grand dam de son mari, Carl, lui aussi totalement détruit par la disparition de sa fille....
Totalement monomaniaque, la narratrice toute en souf rentrée ira au bout de ses obsessions...
" Un jour, il m’a rétorqué que le pardon n’était rien qu’une seconde peine que le bourreau réclamait à sa victime. Je n’ai pas compris, et j’ai cru que le bourreau, c’était lui. En fait, il ne peut pas me pardonner, c’est ce que j’ai compris après, mais il le garde pour lui parce qu’il n’aimerait pas qu’Hortense le voie me haïr. "
On avait laissé la romancière Claire Castillon avec son roman jeunesse "River" dans lequel elle nous plongeait dans les psychés d'une jeune adolescente torturée et un peu névrosé.
Un roman jeunesse âpre et cruel, assez proche des écrits précédents de la romancière qui n'a jamais été une reine de la gaudriole et de la légereté ( en même temps ce n'est pas forcément ce qu'on lui demande) qui augurait sans doute cette marche blanche, qui met encore la cruauté et la noirceur un cran au dessus.
Avec ferveur et un vrai sens du suspens psychologique, Claire Castillon nous immerge dans l'intimité et l'esprit ô combien tourmenté de cette femme d'une fragilité indéniable, qui laisse libre court à son irrationnalité d'esprit.
Avec ses phrases courtes, aiguisées comme un canif, Claire Castillon livre un modèle de suspens psychologique à glacer le sang sur les différents visages que la monstruosité humaine peut prendre,et en ce sens, le dénouement ne déçoit pas.
Un récit sec et implacable!
Claire Castillon, Marche blanche, Gallimard, janvier 2020, 166 p.-, 16 €