CRITIQUE- Women Talking : une fiction féministe au sein d’une communauté religieuse

13 mars 2023

CRITIQUE- Women Talking : une fiction féministe au sein d’une communauté religieuse

Adaptation d’un roman de Miriam Toews, le long-métrage de la cinéaste canadienne Sarah Polley aborde le thème de la vengeance. Women Talking de Sarah Polley, une oeuvre puissante à voir au cinéma actuellement.

Un film qui n'a certes pas obtenu la nuit dernière l'Oscar du meilleur film, balayé par la tempête Everything) mais qui aura quand même été auréolée du meilleur scénario d'adaptation.

On vous en dit plus ci dessous :

Vivant dans les préceptes de l’Ancien Testament, dans la crainte de Dieu et du Diable, les Mennonites espèrent le paradis et redoutent l’enfer.

Enfermées dans une communauté loin du monde moderne, ils parlent le bas-allemand, une langue qu’eux seuls comprennent.

Le quotidien est géré par les hommes qui travaillent dur aux champs, les femmes toutes illettrées s’occupent de la maison sans aucun avec l’extérieur.

Les enfants vont à l’école jusqu’à douze ans où ils étudient des textes religieux. Une société bloquée au XIXème siècle, loin des vices et de la corruption du monde moderne ?

Pourtant dans cette communauté mennonite Bolivienne, entre 2005 et 2009, de nombreuses femmes âgées de trois (oui vous avez bien lu) à soixante-cinq ans ont été victimes de viols à répétitions pendant leur sommeil.

Des hommes, après les avoir droguées avec un anesthésiant pour chevaux, les battaient et les violaient durant la nuit. Au matin les victimes se réveillaient le corps en sang et couvertes de bleus, sans aucun souvenir.

Pour les mennonites, les femmes sont une sorte de chainon manquant entre l’homme et l’animal, soit les victimes mentent pour masquer leurs turpitudes, soit elles sont victimes des attaques de Satan qui les puni de leurs pêchés. Lorsque les bourreaux seront reconnus par une femme qui se réveille en plein viol, une question se pose alors, les mennonites peuvent-ils reconnaitre la justice des hommes ?

Elles sont huit femmes, dans un fenil, cachées du regard des hommes, elles ont quarante-huit heures pour décider de leur avenir. Se venger est un eport pour l’enfer, pardonner serait un accès direct pour le paradis.

«Women talking », centré sur un groupe de femmes en train de débattre dans une grange est un précipité philosophique sur des vies contrôlées par la peur. Une conversation profonde sur la culpabilité, la résilience et le possible pardon. Que peut l’innocence face à la barbarie ordinaire et institutionnelle ?

En adaptant Miriam Toews, qui connaisait parfaitement ces femmes, Sarah Polley livre une oeuvre quasiment en huis-clos, au radicalisme qui peut dérouter, mais qui force le respect. Elle livre une fiction qui fait office de plaidoyer et de portraits de femmes tout en suscitant la réflexion.

Portée par de superbes actrices, et une mise en scène presque figée aux couleurs désaturées, cette oeuvre un peu austère et qui tend parfois vers une forme d’abstraction, n'en demeure pas moins salutaire et intelligente.